La guerre au quotidien

D’ici, on croit la regarder de loin. Pourtant elle est présente dans notre quotidien. La guerre, ça commence par une distance. Elle se crée facilement avec un peu de désapprobation et une seule différence : couleur de peau, langue, religion, poids, préférence sexuelle, équipe de sport, pensée, toutes les raisons sont possibles. Tranquillement l’autre devient les autres, on leur associe défauts et qualificatifs négatifs, la séparation s’agrandit. N’étant pas aimable, on se permet de les dénigrer, en pensée, en paroles, à l’écrit. Parfois, on laisse nos semblables le faire, on se cache derrière la non-action, on ne prend pas position. On en rit, un peu peut-être, beaucoup parfois. On devient condescendant, on se place au-dessus de l’autre. Tout ce qu’il est permet la justification de nos actes, de notre prochaine prise de position : ce qu’il dit, ce qu’il fait, ce qu’il pense, ce qu’il regarde… ce sera toujours la faute de l’autre…

La séparation devient plus marquée, augmentant du même coup la peur et la colère contre celui qui représente l’élément déclencheur de nos fragilités, de nos insécurités, de nos zones d’ombre. On crée des clans, après le dénigrement, on se permet de détester, de maudire jusqu’à haïr. La violence de nos propos augmente, on se désensibilise. «Qu’on les emprisonne», «Qu’ils souffrent», «Qu’ils crèvent» on souhaite le malheur, le pire, on déshumanise. Et doucement on bascule, tous ceux qui ont été à leur contact peuvent aussi souffrir, leurs enfants, leurs proches, l’innocence n’existe plus, tous coupable, la frustration monte, le besoin d’agir se fait sentir. Nous ne réfléchissons plus, nous haïssons. Ça se fait presque tout seul, comme un mécanisme de protection, un mécanisme qui détruit tout sur son passage, la sensibilité, les liens, la compassion, l’amour…

La guerre, ça commence avec un voisin qu’on déteste, un proche qui nous agace, un collègue à qui on souhaite le pire. La guerre, ça débute par cette impression d’avoir raison, cette certitude de savoir, cette incapacité à écouter et comprendre l’autre. La guerre est dans notre cour, nous ne sommes pas à l’abri, on la côtoie tous les jours, chacune de nos décisions la nourrit, l’amplifie ou la calme.

 

Je prends tout de même quelques lignes pour vous dire que…

La première personne que j’observe pour écrire mes textes, c’est moi. Je ne suis pas au-dessus de tout cela, au contraire, et je n’effectue pas cet exercice avec facilité. J’observe mes travers, mes manières de faire, j’observe nos réactions humaines, surtout les miennes. Je réfléchis sur moi en premier, et je partage. Mon but n’est jamais de juger l’autre. Je suis plutôt dans l’observation de nos mécanismes humains, car je crois que la conscience est la porte du choix et du changement. Je crois que nous perdons beaucoup de temps et d’énergie à regarder, commenter, juger, critiquer ce qui se passe au loin comme si nous n’étions pas concernés, tellement de leçons manquées. Et trop peu pour observer ce qui se passe en nous, près de nous, ce sur quoi nous avons du pouvoir, ce sur quoi nous pouvons agir. Le matériau disponible à la transformation, c’est nous.