Du jugement à la compassion

Juger, c’est facile, il y a une personne devant soi, et des pensées arrivent, se présentent. « Trop ceci », « pas assez cela », « pourquoi ainsi », « pourquoi comme ça », « elle aurait dû », « il aurait fallu », ça se fait presque tout seul. Quand on ne juge pas les autres, c’est bien souvent nous-mêmes que l’on juge. Notre cerveau constate, compare, analyse et juge.

Comment calmer le mental qui s’emballe dans le jugement ? Par la compassion, par l’amour, avec le cœur. Quand on est dans la bienveillance, tout est plus doux, tout est plus calme. Alors pourquoi est-il si difficile de rester dans cet état ? Notre cerveau est conçu afin de reconnaître ce qui ne va pas, ce qui ne fonctionne pas, ce qui est bizarre ou particulier. Il est à l’affût de tout ce qui est inhabituel ou négatif pour nous protéger des dangers. Alors pour éviter d’entrer dans le jugement, il faut faire un effort, être plus conscient de ce que l’on pense, de ce qui se passe en nous.

Après plus d’une année d’observations non rigoureuses et non scientifiques, voici quelques pièges anti-compassion que j’ai découvert (lire ici, dans lesquels je suis tombée !) :

Le manque de temps, quand je suis stressée, quand je suis pressée

Ce piège est particulièrement perceptible en voiture. Rester calme et compatissant devant ce qui nous semble des absurdités de la conduite, ce n’est pas évident. En voiture, une mauvaise manœuvre peut avoir de grandes répercussions, il y a un réel danger. Que ce soit parce que nous devons passer du point A au point B avec la peur d’être en retard à notre rendez-vous, ou encore parce que nous avons une liste d’actions à accomplir, le manque de temps (ou l’impression de ne pas avoir assez de temps) nous pousse dans un état d’alerte qui nous prédispose à la colère et à l’impatience. Les stresseurs modifient nos perceptions, et nous oublions que derrière chaque volant il y a un conducteur, un humain avec un vécu. Notre état d’esprit ne prend plus en considération l’histoire personnelle de l’autre que l’on ne connaît pas, on devient insensible aux possibles contextes qui nous permettraient de mieux le comprendre, et donc d’être dans la compassion.

La distance 

Qu’elle soit réelle, créée par l’écran ou par tout support qui m’empêche d’être en contact avec l’autre, la distance devient un piège à la bienveillance. Cette perte de contact avec la réalité nous fait parfois oublier l’autre, sa souffrance, sa solitude, sa peine, sa sensibilité, son humanité. Quand nous nous reconnaissons dans l’autre il peut être plus facile de se représenter son vécu, de s’attarder à son ressenti, de le comprendre et de l’accepter. Au contraire, nous nous sentons moins concernés par les tragédies humaines lorsqu’elles se produisent de l’autre côté de la planète, et nous oublions parfois que nos messages sur les réseaux sociaux s’adressent à des humains. Malgré que ce ne soit pas toujours le cas, quand nous avons un être humain devant soi, il est plus difficile d’avoir des propos blessants, agressifs ou peu nuancés.

Quand je me sens attaqué 

Il faut beaucoup de sang froid pour ne pas réagir lorsqu’on se sent attaqué personnellement, quand on ne se sent ni entendu ni écouté. Nos blessures nous amènent à réagir d’une façon trop souvent agressive, nous entrons dans la colère ou le mépris. Ce qui nous pousse dans une position de dualité où il y a l’autre et moi, les gentils et les méchants, on place les gens dans des cases, dans des boîtes… et on généralise.

Les généralités

Quand on enlève à un individu son unicité pour le placer dans un groupe, les risques de dérapage sont proches. Nous perdons alors toutes nuances et entrons dans un espace de jugement ou les gens deviennent de simples caricatures du groupe dans lesquels nous les insérons. Voilà qu’un simple mot vient définir la personne, et tous les préjugés associés à ce groupe lui sont attribués. Que le groupe soit défini en fonction d’une opinion, d’une religion, d’un statut social, de l’âge, de caractéristiques physiques, de la langue, de l’origine, d’idées politiques, du sexe, de l’orientation sexuelle ou d’un handicap, il sépare et nous fait oublier l’humanité et l’unicité de chacun.

La différence/L’inconnu

Ce que nous ne connaissons pas nous fait peur, cette peur expose nos fragilités, nos insécurités. Parfois cela peut sembler aussi banal que ne pas savoir quoi dire, comment être, comment agir, comment réagir. Situation que nous pouvons vivre par exemple lorsqu’on se fait aborder par une personne ayant un handicap ou une maladie mentale, notre ignorance nous rend vulnérable. On se sent idiot de ne pas savoir, blessé, fragile, devant notre inaptitude ou notre maladresse on évite ces situations et on tente de se soustraire à tout ce qui pourrait y ressembler, évitant du même coup des relations avec ceux qui nous sont inconnus, ceux qui sont différents, ceux qui semblent loin de nous.

Cette petite liste est loin d’être complète. Ressentir de la compassion pour un proche qui vit un drame c’est facile. Le défi c’est de continuer de considérer l’autre et son vécu peu importe le temps qui passe, nos divergences d’opinions, nos inquiétudes ou nos blessures. La bienveillance peut rapidement s’effriter lorsque nos valeurs sont touchées, devant les situations récurrentes ou devant les plaintes incessantes qui nous agressent… tout cela est normal, inutile de nier nos ressentis. En regardant avec douceur les mécanismes qui nous empêchent d’être dans cette compassion, en les observant sans culpabilité, sans honte, on peut mieux comprendre ce qui se passe. Quand on apprend à se connaître, on peut tranquillement mieux comprendre les autres, car après tout nos motivations sont semblables : éviter la souffrance, ressentir la paix, le calme, le bien-être, le bonheur… Rester dans cet espace sans jugement, pour soi, pour l’autre, c’est se donner la possibilité de cultiver la sérénité.

Moins de jugement, plus d’appréciation…. pour plus de bien-être.