De l'autre côté

Ces chaussures, trouées et puantes, je continue de les porter car mon pied s’y est habitué.  Il se glisse à l’intérieur avec naturel et retrouve son confort, sans aucune résistance.  Même si je crois devoir les changer, même si je sais que la semelle se creuse, que l’eau y entre aisément, j’hésite, j’attends.  Je remets à plus tard, car je sais bien qu’enfiler de nouvelles chaussures implique d’abandonner celles qui m’ont portée, et de m’adapter à la nouvelle paire.

Derrière un déménagement, un mariage, une nouvelle situation, se cache une multitude d’émotions qu’on ne peut qu’accueillir.  Simple et complexe à la fois.

La nouveauté amène un inconfort, même si elle était souhaitée, prévue et planifiée.  Faire de ces liens que l’on tisse un filet pour se propulser, et non des chaînes qui nous empêchent d’avancer, demande délicatesse et habileté.  Accepter d’être bousculé, de se détacher, embrasser les perturbations qui nous mènent à l’autre rive, ce n’est pas toujours facile.

Que je traverse un ruisseau, une rivière ou un océan, je ne peux apporter ni ma maison, ni mes voisins, ni mon environnement.  Pour certains, traverser un filet d’eau ce sera douloureux, c’est ainsi, il n’y a rien à juger, rien à commenter.

Puis, il y a ces bouleversements que la vie nous impose, ceux qui amènent incompréhension et peurs.  Ces changements auxquels on doit faire face, car il n’y a pas de retour en arrière possible.   

Dans ces moments, j’aime croire qu’il y a très certainement dans les chapitres plus loin une partie de l’histoire que je ne connais pas encore.  Il n’y a pas de secret, on ne peut qu’apaiser nos pensées, faire confiance à la vie et la laisser nous murmurer à l’oreille que tout est passager...

 

Caroline Breault